Edem Gbétoglo

Comment les startups embauchent-elles?

Affiche de l'événément Café Numérique Lomé startups
Café Numérique Lomé : Tech228

« Dis-moi quels collaborateurs tu as, je te dirai quel type de startup tu es ». Le thème de la Première Edition du Café Numérique Lomé, qui s’est tenue le samedi 20 août à Lomé, nous a poussés à aborder un certain nombre de sous-thématiques qu’un entrepreneur ne saurait négliger. D’Efy Saboutey à Brice Tchendo en passant par Edem Gbétoglo (je remercie au passage Yves Kokoayi, Ceo de Tech228 de m’avoir associé aux panélistes du Café Numérique Lomé), plusieurs sujets ont été abordés dont la différence entre startups et incubateurs et une comparaison entre l’écosystème togolais et sénégalais.

Les échanges entre les participants et les panélistes m’ont fort appris et ont soulevé un point important que je voudrais aborder dans ce billet : sur quels bases choisir ou embaucher des collaborateurs, et avec quel type de collaborateurs  faut-il mener ses activités ?

Panélistes Café Numérique Lomé startups
De la Gauche vers la Droite (Edem Gbétoglo – Efy Saboutey – Yves Kokoayi – Brice Tchendo

Sur quelles bases choisir ou embaucher des collaborateurs ?

Les panélistes de l’événement étaient plutôt d’accord sur un point : « il faut plus miser sur le savoir-faire  du collaborateur que sur les diplômes listés sur son curriculum vitae ». Dans une startup, l’entrepreneur a besoin de travailler avec des profils qui sont adaptables, ou dirais-je, « décapotables ». Certes, le Job Description est fait, le collaborateur connaît ses obligations et ses tâches, mais il faut reconnaître que c’est toujours intéressant de travailler avec une personne qui a plusieurs tours dans son sac, qui arrive à s’adapter même si ce n’est point aisé, qui fait des efforts et manifeste le désir d’apprendre.

Le diplôme permet au collaborateur d’avoir les bases, le savoir-faire et le feeling pour le job sont la cerise sur le gâteau.

Avec quel type de collaborateurs  faut-il mener ses activités ?

Il faut préciser que les jeunes entrepreneurs ne doivent pas perdre de vue les valeurs telles que l’humilité, l’éthique et le respect. Les collaborateurs avec qui vous devez travailler doivent incarner ce que vous voulez faire de votre entreprise et la vision que vous en avez. L’éthique est la valeur que je considère personnellement comme une des plus importantes que vos collaborateurs doivent avoir. Quel que soit le domaine dans lequel vous évoluez, si vous travaillez avec des collaborateurs qui n’ont aucun respect pour l’éthique et la bonne gestion des ressources dont votre entreprise dispose, vous ne perdrez pas seulement de l’argent, mais vous perdrez également des clients.

Ce Café Numérique m’a également permis d’échanger avec des personnes fort intéressantes, dont  , Madzé Agbétiafa, lauréat du concours RFI Challenge App Afrique et Noélie Falone Alognon. Le Togo regorge de talents et d’entrepreneurs qui n’hésitent pas et qui se battent dans un environnement plus ou moins favorable. Cette édition n’étant que la première, nous espérons que les prochaines éditions du Café Numérique Lomé auront des thèmes aussi intéressants que pragmatiques pour la jeunesse togolaise et les startups du pays.

Cordialement.


Corruption en Afrique subsaharienne (2)

Pour poursuivre notre réflexion sur la corruption en Afrique subsaharienne dont la première partie a fait l’objet d’un billet, nous avons décidé de nous interroger sur la non effectivité de la libre circulation des biens et des personnes dans l’espace communautaire CEDEAO. Nous avons pris la peine d’échanger avec des commerçants et des vacanciers qui prennent souvent le bus d’un pays à un autre en Afrique subsaharienne. Plus de la moitié des interviewés affirment donner aux agents frontaliers 2000F CFA à 5000 F CFA même si tout est en règle.

Quid des statuts et des directives communautaires de la CEDEAO ?

Art 55 l. Les États membres s’engagent à établir dans un délai de cinq (5) ans après la création d’une Union douanière, une union économique et monétaire à travers:

  1. ii) la suppression totale de tous les obstacles à la libre circulation des personnes, des tiers, des capitaux et des services ainsi qu’au droit de résidence et d’établissement;

Article 59

Immigration

  1. Les citoyens de la Communauté ont le droit d’entrée, de résidence et d’établissement et les États membres s’engagent à reconnaître ces droits aux citoyens de la Communauté sur leurs territoires respectifs, conformément aux dispositions des protocoles y afférents.
  2. Les États membres s’engagent à prendre, au niveau national, les dispositions nécessaires pour assurer l’application effective des dispositions du présent article.

En 2014, la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest avait entamé le processus de suppression de la carte de séjour pour les citoyens des pays membres résidant dans un des pays de l’Organisation sous-régionale. Ce processus a-t-il réellement abouti ? Quelles en sont les conclusions ?

Selon l’article 55 des statuts de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Afrique de l ‘Ouest, où en est la suppression totale de tous les obstacles à la libre circulation des personnes ? Certes, la décision de la CEDEAO de faire établir aux populations une carte d’identité biométrique est louable, mais y a-t-il des moyens de contrôle et de sanction qui seront mis en œuvre afin de faire respecter cette décision par les agents frontaliers ? Les populations en Afrique de l’Ouest ont-ils la garantie qu’avec la carte communautaire biométrique, ils ne seront plus obligés de verser des pots-de-vin aux agents frontaliers lors de leur voyage ? Tant que les corrupteurs ne sont pas inquiétés, lutter contre la corruption sera un vain combat et une vaine expression.

Au commencement était l’éducation

Pourrions-nous lutter contre la corruption si certains, au nez à la barbe des autres, prennent ce qui ne leur appartient pas, ou ce qui selon eux leur est dû ? Que nous apprennent-ils donc ? Tout récemment des blogueurs togolais se sont interrogés sur l’éducation au Togo, et il faut noter un schéma similaire dans les pays de la sous-région. Le manque de modules prenant en compte l’éthique met à nu le manque de respect des principes juridiques élémentaires ; l’absence d’une éducation de plus dans nos maisons justifie le mépris que nous avons des règles communautaires au sens strict et large ; à tout cela s’ajoute le comportement des aînés et des parents. Un enfant voit son père faire, le copie inconsciemment et reproduit les mêmes choses, c’est-à-dire, ce qu’il voit. Si son père lui avait dit pas à l’avance « j’ai posé des actes, tu ne devrais pas faire pareil », cela aurait peut-être changé la direction de la roue.

Tout ce que nous vivons dans nos sociétés est juste un reflet de ces erreurs, de ces manques, au fait que la base soit faussée par la mise en lumière d’un fossé entre l’éducation et l’instruction.

Comme le disait Charles Sanches, « la déliquescence de notre temps vient aussi du fait que nous n’avons plus de considération pour le droit et les principes juridiques ».

J’en profite pour lancer un message aux jeunes de ma génération. Ne faisons pas les mêmes erreurs que nos aînés, ne nous disons pas que la voix royale vers l’épanouissement est de suivre les pas de personnes dépourvues d’éthique et de morale . En reproduisant le même schéma, ne soyons pas surpris de relire des écrits pareils produits par nos petits frères dans 30 ans.

Cordialement.


Corruption en Afrique subsaharienne : autant en emporte le vent (1)

L’acte m’a toujours saoulé, oui, la corruption me saoule. Honnête citoyen, vous voulez juste vous faire servir et l’agent attend de vous que vous lui glissiez « quelque chose » pour faire avancer votre dossier. Comme on le dit au Togo, « il faut mettre de la pierre sur le dossier pour que le vent ne l’emporte pas ».

La corruption est l’action de détourner une personne de son devoir, pour l’engager à faire quelque chose contre l’honneur moyennant finance. Nombreux sommes-nous à être corruptibles ou à avoir été corrupteurs, que ce soit pour un dépôt ou un retrait de dossier, ou encore pour une formalité à l’aéroport.

Ma courte histoire à l’aéroport Léopold Sédar Senghor 

En ce mois de juillet 2016, je quittais Dakar pour Lomé. Formalités faites, je me suis dirigé vers les agents devant prendre mes empreintes et vérifier mon passeport. Notre ami vérifia mon passeport, le tourna dans tous les sens, et finalement me demanda : « Monsieur, vous allez à Lomé ? Vous êtes togolais ? Vous n’êtes pas en règle ». Je lui demandai humblement de m’expliquer la situation. C’est à ce moment que sa collègue prit la parole. Elle me demanda une carte consulaire, je l’avais ; le document qui prouve que j’ai été étudiant à Dakar, je l’avais ; finalement elle me demanda de lui fournir un certificat d’établissement. D’abord, elle ne semblait pas savoir concrètement ce qu’elle désigna par « certificat d’établissement », et ensuite elle me donna des indices d’identification assez flous. Je lui présentai mon contrat de logement, elle ne semblait pas convaincue à la vue du document. « Monsieur, je parle du certificat d’établissement. Vous avez fini vos études, vous avez séjourné à Dakar des mois ensuite, vous avez votre contrat de travail et de logement certes, mais cela ne suffit pas ». Ensuite, j’ai donc voulu savoir ce qu’elle attendait de moi (je me doutais à ce moment qu’il s’agissait de glisser un billet de franc cfa, mais je jouais le jeu à fond) ; elle ne parlait plus ; elle regardait son collègue, me jetait un regard furtif. Le collègue prit la parole : « Donnez quelque chose pour que nous avancions, vous n’avez pas le document demandé et nous n’avons pas toute la journée ». Ma réponse était claire, précise et concise : « Sauf le respect que je vous dois Monsieur, je suis en règle. Je suis togolais, un pays de l’espace communautaire CEDEAO, et je sais que je suis en règle. Je n’ai rien d’autre à part mes documents de preuve. Auriez-vous l’obligeance de me donner plus d’informations sur le document exigé ? ».10 minutes passèrent, aucune information.  J’étais là, je les regardais sans broncher.  La dame avait fini par comprendre que je ne sortirai pas un sou : « Monsieur Edem, nous vous laissons partir cette fois-ci, mais sachez que la prochaine fois vous ne vous en sortirez pas ».

Lutter contre la corruption est-il une utopie ?

Corruption et termes connexes
Crédit image : integration.com

Généralement, ce sont les usagers qui se préparent à corrompre les agents dès qu’ils ont un « blocage », dès qu’ils ne sont pas en règle ou veulent faire avancer leur dossier. Si les premiers se refusaient à le faire, les agents finiraient par se lasser avec le temps et ne pousseraient plus les honnêtes citoyens à porter la casquette de corrupteurs. Nombreuses sont organisations qui lancent des campagnes de lutte contre la corruption, mais existe-t-il des commissions de discipline efficaces au sein des institutions ? Existe-t-il des chambres ou des cours de justice que pourraient saisir les usagers pour dénoncer ces agents qui excellent dans la corruption ? Les mesures anti-corruption semblent être inefficaces en Afrique subsaharienne, que faire ?

Le Sénégal ainsi que d’autres pays comme le Cap Vert et le Botswana se sont imposés des modèles de bonne gouvernance selon le rapport « People and Corruption : Africa Survey 2015 » de l’ONG Transparency International. Les incitations légales ne suffisant plus, il serait encore plus intéressant d’avoir des lanceurs d’alertes et un cadre de protection juridique pour leur permettre de ne pas craindre pour leur vie.

Cordialement.


Education au Togo : jusqu’où descendrons-nous ? (4)

J’emboîte les écrits de mes confrères Marek, Eli et Renaud sur ce sujet épineux qu’est l’éducation au Togo. Il est important de relever que le Togo a été (il l’est toujours d’ailleurs) un excellent élève de la colonie française. Au Togo, nous sommes d’excellents théoriciens, Socrate serait peut-être un lointain parent du pays. Des universités publiques aux universités privées, il n y a point de réelle différence à mon humble avis. L’essentiel est d’avoir la moyenne de 10, éliminer la matière et passer en classe supérieure. Tous les moyens sont donc bons pour y arriver : la tricherie n’est plus traditionnelle avec des bouts de feuille circulant dans la salle, elle est devenue moderne avec les fichiers pdf et les applications sur les smartphones.

Nous ne sommes pas des robots : la formation théorique, c’est bien, mais celle pratique est encore mieux

Depuis le cycle primaire, il nous est donné de bûcher les cours et de les restituer telle qu’ils nous ont été livrés. Je me souviens de toutes les difficultés rencontrées au cours primaire en classe de CM2. La directrice se déplaçait en personne pour suivre en live « les élucubrations » de ses élèves, un véritable orchestre sans aucune masturbation intellectuelle. Ce fut le même scénario en classe de 3ème. Je fus fort étonné lorsque je foulai le sol universitaire, car je croyais que le scénario serait différent.

Les enseignants et professeurs se doivent d’orienter leurs cours vers des cas pratiques adaptés à la cible. Il serait temps de nous en dire plus sur les Grands Hommes qui ont marqué l’Afrique, de faire connaître aux étudiants juristes togolais des décisions de justice de leurs tribunaux, de faire connaître aux élèves les modes de gouvernance que les communautés traditionnelles togolaises utilisaient et la mutation qui s’en est suivie. Suite à de tels développements, plutôt que d’avoir des examens où l’apprenant devra « déverser » au sens propre du terme ce qu’il aura lu et compilé dans sa matière grise, il serait fort préférable de mettre sur pied des mises en situation qui feront de l’apprenant un acteur du cours, et non un spectateur-restituteur.

Par ailleurs, le système éducatif n’apprend pas aux apprenants à développer leurs capacités et aptitudes, mais à cristalliser leur formatage. Il serait fort intéressant de s’interroger sur des modules relatifs à la culture de valeurs morales et éthiques à intégrer dans le système éducatif. Cela aurait pu se faire plus aisément si les cours d’éducation civique et morale n’avaient pas été supprimés du cursus. Il convient de souligner à ce niveau de la lecture que l’éducation n’équivaut pas seulement à l’instruction.Vous comprenez par là qu’il ne suffit pas de savoir lire et écrire, mais de faire de ses acquis un outil de prise de conscience et de développement.  Dans ce cas, les parents ne devraient-ils pas jouer un rôle primordial dans l’éducation des enfants? Dans le même ordre d’idées, allier instruction et éducation au Togo doit être pris en compte par les acteurs (instituteurs, professeurs, parents).

Pour paraphraser Rabelais, instruction sans éducation n’est que ruine de l’âme.

Les apprenants ont besoin de se faire éduquer, aussi bien dans les institutions scolaires qu’en famille. Il est temps qu’un travail de fond soit fait. Les autorités compétentes doivent associer les institutions d’enseignement scolaire et universitaire, les parents ainsi que les jeunes, pour un plan stratégique clair, précis, concis, qui prend en compte les réalités du pays.

Quid de la connectivité et de l’utilisation de whatsapp ?

Nombreux sommes-nous à fustiger les élèves et étudiants togolais concernant l’utilisation de whatsapp. Cette application est devenue la source des malheurs et des échecs des élèves au baccalauréat deuxième partie. Mais le problème n’est-il pas ailleurs ? Combien sont les élèves et les étudiants au Togo qui ne feraient pas des recherches sur Google si la connexion internet le permettait ? Beaucoup se limitent aux communications sur whatsapp parce qu’ils n’ont guère le choix. Nul besoin de rappeler combien une bonne connexion internet à moindre coût, serait fort utile pour les élèves et les étudiants. J’en profite pour interpeller encore une fois Madame la Ministre des Postes et de l’Economie Numérique, Cina Lawson. Cependant, faire de whatsapp un outil d’éducation citoyenne est une autre paire de manches que les « Pères Fouras Togolais » devraient analyser.

La méthode de mise en situation peut être mise en œuvre dès le cycle primaire, avec l’accord des autorités compétentes. Intégrer donc un certain nombre de postulats dans le système éducatif ne doit plus être à l’étape de questionnement, mais de réflexion et d’action. La période de latence doit prendre fin, il nous appartient à présent de prendre une décision, pas pour nous, mais pour nos enfants.

Cordialement.